EXPERTISE MOBILIER
La commode dite “en Tombeau” : en placage de bois de violette sur bâti, bronzes dorés ciselés, marbre Royal des Flandres, travail parisien d’époque Louis 15, estampillée de J-C Ellaume, 719 × 481 cm, vers 1730-1740, Estimation environ : 4000 / 4500 Euros.
Sur le plan des influences, la commode dite “en tombeau” est une réinterprétation des sarcophages antiques datant du IIe siècle ap. J.-C. En fait, c’est la forme parallélépipédique de ces sarcophages, qui est à l’origine de cette appellation.
La question que l’on se pose en premier lieu est : à partir de quand parle-t-on de commode en “tombeau” dans l’histoire du meuble ?
Les premières commodes remontent aux années 1695 et les livraisons de commodes pour le Garde-Meuble pour la Couronne datent de 1698. Auparavant, on désignait la commode sous l’appellation de “bureau en commode”, or, le terme générique de “commode” ne s’imposera seulement qu’à partir de 1711 selon Daniel Alcouffe ( Alcouffe, 1991, p.39).
Vers les années 1715-1730, le chantournement en plan et en élévation sur les trois faces du meuble, induit le dessin sinueux du plateau. Nous détecterons progressivement sur ces commodes, une ligne en accolade ou en arbalète. Au niveau de l’élévation, se dessine des tiroirs à volumes convexes et concaves. La ligne en “S” tend à se démocratiser et à se répandre d’une manière générale. Les documents de l’époque attestent de cette nouvelle commode qui sera dorénavant appelée “commode en tombeau”. Celle-ci sera produite jusqu’au milieu du 18e siècle…
Au niveau de la description, notre commode plaquée en bois de violette disposé en frisage sur un bâti “en chêne”, présente une forme assez lourde et imposante. Elle est composée de quatre tiroirs dont deux petits en ceinture, séparés par quatre traverses apparentes, dont l’une est chantournée en cul-de-lampe. Les traverses disparaîtront progressivement vers les années 1740 tout comme le montage du meuble. La ligne des pieds formant un “S” épouse l’élévation des côtés. L’ornementation est assurée par ces bronzes dorés déchiquetés, ( chutes, sabots, tablier, entrées de serrure, et poignées de tirage fixe) disposés en applique sur le meuble. Le tout est couronné d’un marbre Royal des Flandres à bec de corbin, épousant le contour du meuble…
Du point de vue de la datation, cette commode “à la régence” est à situer dans les années 1730-1740, sous le règne de Louis XV. Elle a été réalisée par Jean-Charles Ellaume, reçu Maître de la Communauté des menuisiers-ébénistes le 6 novembre 1754. Son atelier était situé rue Traversière dans le célèbre quartier du Faubourg Saint-Antoine à Paris. Il pratique la technique du placage en frisage. Sa fabrication est soignée : commode « tombeau » d’époque Régence, à traverses apparentes…
Henry Havard fait figurer Ellaume parmi les ébénistes qui ont réalisés « des ouvrages d’une certaine valeur depuis l’année 1608 jusqu’à la fin de l’Ancien Régime »; et Jean Nicolay fait l’éloge d’Ellaume dans L’art et la manière des maîtres ébénistes français au 18e siècle : « Ses bureaux ont toujours une ligne harmonieuse et d’excellents proportions. Ils sont le plus souvent marquetés en bois de rose… Les bronzes sont toujours élégants et sobres et assurent discrètement une ornementation distinguée…».
Certaines institutions possèdent des œuvres attribuées à cet artiste, notamment, le Musée des Beaux-Arts de Bernay en Haute Normandie, Le Château de Morlanne possède une de ses commodes qui est classée au titre objet aux Monuments Historiques depuis le 20 juin 1979 : “Archive N°: PM64000684, Base Palissy, Ministère français de la Culture”, également deux autres commodes sont protégées : “inscription d’une commode le 9 avril 2009 conservée dans la chambre dite de Louise-Aimée au château de Vendeuvre et classement d’une commode depuis le 29 juillet 2011 au château de Gizeux” et enfin, le Château Royal de Wawel à Cracovie en Pologne détient une commode estampillée “J*C* ELLAUME”…
TECHNIQUES D'EXPERTISE : ``COMMODE EN TOMBEAU PAR J-C ELLAUME``
Nous pourrions décortiquer le meuble sur la façon dont il est monté ou sur les éléments qui le compose (marbre, bronzes, finition), mais nous nous cantonnerons à l’analyser d’une manière générale en sept points. A travers ce que l’œil perçoit, on doit développer une réflexion sur ce qui est vrai et ce qui est faux ou sur ce qui est de l’ordre du possible ou de l’impossible dans la conception même du meuble. Après expertise établit, on pourra dire si oui ou non le meuble est d’époque et l’authentifier avec certitude dans le cas échéant.
Les côtés sont à panneaux composés, assemblés et affleurés aux montants; pour ainsi être *taillés à la mainselon un gabarit (*dégrossissage à l’herminette, utilisation des rabots à semelle concave et convexe, utilisation des gouges, finition à la râpe), afin de leurs donner une forme *galbée (*plan et élévation) et sur laquelle sera plaqué le bois de violette…, et vice versa pour la face avant. Enfin, les tiroirs sont composés de traverses latérales se reliant à la façade du tiroir, au moyen d’un assemblage à queue d’aronde, au nombre de deux ou de trois. Le fond est monté à plat-joint cloué sur les chants périphériques du tiroir.
Pour composer un frisage, il faut regrouper quatre feuilles de placage en respectant l’ordre de débit, afin que le veinage du bois s’accorde bien. Il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle (vers les années 1860) pour que le placage soit débité mécaniquement de deux façons, soit horizontalement ou verticalement…